Chaque secteur a ses fake news, et le réemploi n’y échappe pas.
Taux réduit, voire exonération totale de TVA pour les matériaux d’occasion, les légendes urbaines ne manquent pas s’agissant de la TVA applicable en cas de réemploi.
Cet article vise à faire le point sur la question suivante : sous quelles conditions la vente des matériaux de réemploi est-elle soumise à la TVA ?
Pour répondre à cette question, il faut se référer au Code général des impôts et à la doctrine fiscale associée.
Mais pour éviter aux non-initiés des heures de lecture et de recherche douloureuses, je vous propose de répondre en 4 points au questions les plus courantes.
1 – Les matériaux de réemploi sont-ils exonérés de TVA ?
NON, sauf dans 2 hypothèses :
Première hypothèse, ils sont vendus par une association loi 1901 qui :
- n’est pas assujettie aux impôts commerciaux 1,
- ou bénéficie d’une franchise des impôts commerciaux 2
- ou bénéficie d’une franchise en base de TVA 3.
Exemple : matériaux vendus par une Ressourcerie solidaire créée par une association.
Seconde hypothèse, ils sont vendus par un « assujetti-utilisateur » (pas d’inquiétude, des explications suivent).
Il s’agit de biens usagés (matériaux ou équipements) vendus par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations 4.
Cela concerne tout matériau, matériel, outillage ou équipement, que le vendeur a utilisé antérieurement à la vente pour les besoins de l’exercice de ses activités économiques. A noter qu’il n’y a pas de condition de durée minimale d’affectation aux besoins de l’exploitation.
Exemple : vente par un maître d’ouvrage de matériaux ou d’équipements issus d’un de ses bâtiments.
Attention : cette dernière exonération ne s’applique pas aux biens qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la TVA lors de leur achat.
2 – Quelle TVA pour les matériaux qui ont déjà été utilisés (issus de la déconstruction) ?
Il faut tout d’abord noter que les matériaux de réemploi sont soumis au même régime que les biens d’occasion, et ne constitue pas un cas particulier dans cette catégorie.
On s’intéresse ici à la TVA dont sont redevables les assujettis-revendeurs.
De qui s’agit-il ?
Dans le cadre de leur activité économique, les assujettis-revendeurs acquièrent ou affectent aux stocks de leur entreprise ou importent en vue de leur revente, des biens d’occasion (en l’occurrence des matériaux de construction ou des équipements).
Ils peuvent agir pour leur compte ou pour le compte d’autrui (dans ce cas ils agissent en leur nom propre en qualité d’intermédiaire) 5.
Les assujettis-revendeurs ont le choix :
1° En principe, les ventes sont soumises de plein droit au régime particulier de la marge bénéficiaire (ça se corse, je préfère vous prévenir).
Les assujettis-revendeurs acquittent, en principe, la TVA sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat calculée opération par opération (c’est la méthode dite « du coup par coup »). Dans ce système, seules les opérations bénéficiaires, c’est-à-dire dont le prix de vente est supérieur au prix d’achat du bien, font l’objet de taxation.
Toutefois, dans le cas où le prix d’achat de chaque objet vendu ne peut être connu avec précision, il est admis, par tolérance, que la différence à soumettre à la TVA soit calculée globalement chaque mois (c’est la méthode dite de la globalisation).
Important : Dans ce système d’imposition sur la marge, les assujettis-revendeurs ne sont pas autorisés à déduire la taxe incluse dans le prix d’achat des biens (on parle de « TVA rémanente »).
2° Mais les revendeurs peuvent également choisir d’appliquer les règles du régime général de la TVA. Le négociant acquitte donc dans ce cas la TVA sur le montant total de la vente.
Important : Avec cette option, on peut alors déduire la taxe payée lors de l’acquisition des biens (lorsque la taxe a été facturée).
Evidemment ce choix précédemment exposé a de nombreuses implications (en termes économique mais aussi de facturation), et exigent que des conditions soient remplies (que nous n’abordons pas ici). Vous pouvez consulter la doctrine fiscale pour en savoir plus 6.
Ce qu’il faut retenir : que ce soit sur la marge ou sur le prix de la vente, le taux de TVA pour les matériaux, produits et équipements de construction d’occasion reste le même que celui du neuf, soit 20 %.
3 – Quelle TVA sur les matériaux qui ont fait l’objet d’une véritable rénovation ou qui ont été transformés ?
Cette question se pose lorsque des matériaux ou des équipements font l’objet d’une préparation en vue du réemploi qui dépasse le simple contrôle, le nettoyage et les réparations mineures.
Cela vise également l’hypothèse de matériaux qui ont fait l’objet d’un détournement d’usage pour être vendus.
Ces matériaux sont dans tous les cas soumis au même régime de TVA que les produits neufs : 20% sur le prix de vente.
Pour en savoir plus, notamment sur les notions de « rénovation » et de « transformation« , je vous invite à consulter la doctrine fiscale (malheureusement pas spécifique aux matériaux, mais certains exemples sont tout de même éclairants) 7.
4 – Quelle TVA sur les matériaux issus des surplus de stocks ?
Ces matériaux sont soumis dans tous les cas au même régime de TVA que les produits neufs : 20% sur le prix de vente 8.
Une remarque en conclusion
Au vu de la faible valeur de la plupart des matériaux, et de la diversité de la provenance des biens vendus, le plus simple si vous êtes revendeur, est généralement d’opter pour la soumission des matériaux de seconde main au régime général (20% sur le prix de vente), pour pouvoir appliquer les mêmes règles pour tous les matériaux, produits et équipements vendus.
nota : Cet article a pour objectif d’apporter des premières informations en matière de TVA sur la vente des matériaux de réemploi. Evidemment il ne constitue pas un acte de conseil. Le sujet étant complexe, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un conseil juridique si besoin. Vous pouvez également solliciter un rescrit de l’administration fiscale pour valider vos pratiques et exclure tout risque de redressement.
1. En savoir plus sur les conditions et le régime de cette exonération : BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10-20200311
2. Article 206 CGI et second alinéa du b du 1° du 7 de l’article 261 du CGI ; BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10-20200311
3. Article 293 B CGI
4. En savoir plus sur les conditions et le régime de cette exonération : Article 261 du CGI I, 3, 1°, a). Et BOI-TVA-SECT-90-20-20150506
Les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d’autrui ne sont pas considérés comme des assujettis-revendeurs. Ils sont encore soumis à un autre régime en matière de TVA. Pour en savoir plus : BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-40.
6. En savoir plus sur les conditions et le régime de la marge bénéficiaire : Article 261 du CGI I, 3, 1°, a). Et BOI-TVA-SECT-90-20-20150506 §140 et suivants.
7. BOI-TVA-SECT-90-10-20140411, § 20-40.
8. BOI-TVA-SECT-90-10-20140411, § 10.