Diagnostic Produits-Matériaux-Déchets (PMD) : que prévoit le projet de décret d’application ?

Tant attendus par la filière réemploi, le Ministère a mis en ligne pour consultation (du 23 novembre 2020 au 14 décembre 2020) les Projets de décrets relatifs au diagnostic portant sur la gestion des produits, matériaux et des déchets (PMD) issus de la démolition ou réhabilitation significative de bâtiments

En résumé : 

  • Pas de grande surprise par rapport aux dispositions de la loi AGEC, et pour ceux qui avaient pris connaissance de Guide d’anticipation Démoclès 1 publié en septembre dernier ; 
  • Pas de rupture mais une évolution du diagnostic Déchets qu’il remplace, comme cela ressort très clairement du tableau « avant-après » produit par le Ministère ;  
  • Des points à commenter en vue d’améliorer la version définitive. 

I. Les opérations soumises au diagnostic PMD

Une définition pour les « réhabilitations significatives » 

Ce ne sont plus seulement les opérations de démolition qui sont concernées, mais également les réhabilitations significatives. 

La définition de cette notion opaque est avancée par le projet de décret : 

« Une réhabilitation significative de bâtiment (…) est une réhabilitation dont le coût total prévisionnel est supérieur à 25% de la valeur vénale des bâtiments. Est pris en compte pour calculer ce coût le montant prévisionnel des travaux ainsi que, le cas échéant, les coûts liés aux sujétions portant sur la conception et l’exécution des travaux. »

Le critère du coût total prévisionnel n’est pas parfaitement clair, puisque cette notion est susceptible de s’apparenter en l’espèce : 

  • Soit à l’enveloppe financière prévisionnelle du coût des travaux arrêté par le Maître d’ouvrage (MOA) , 
  • Soit au coût prévisionnel provisoire des travaux, proposé par le Maître d’Œuvre (MOE) 2

Cette ambiguïté pourrait éventuellement être levée pour éviter que des maîtres d’ouvrages ne retiennent à l’occasion le coût le plus bas pour rester en deçà du seuil de 25% et échapper à l’obligation de réaliser un diagnostic PMD.

Des seuils et critères inchangés

S’agissant des seuils et critères entraînant l’obligation de réaliser le diagnostic PMD, les projets de textes n’apportent pas d’évolution notable par rapport au diagnostic déchets.

Devront ainsi donner lieu à un diagnostic PMD les opérations de démolition ou de réhabilitation significative de bâtiments suivantes : 

a) Celles dont la surface cumulée de plancher (et non plus la SHOB) de l’ensemble des bâtiments d’une même opération de travaux est supérieure à 1 000 m ²

b) Celles dont au moins un bâtiment a accueilli une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant été le siège d’une utilisation, d’un stockage, d’une fabrication ou d’une distribution d’une ou plusieurs substances dangereuses classées comme telles en vertu de l’article R. 4411-6 du code du travail.

II. Le contenu du diagnostic PMD

A titre liminaire, rappelons que c’est un futur arrêté qui décrira en détail le contenu du diagnostic PMD.

Néanmoins, le décret esquisse ce contenu, dans la droite ligne des objectifs définis par la loi AGEC : renforcer la hiérarchie des modes de traitement (et donc la priorité à accorder au réemploi) et la traçabilité. 

Je vous renvoie au projet d’article R.111-46 pour la liste exhaustive des éléments qui doivent figurer dans le diagnostic, et me focaliserai ici sur le sujet qui nous intéresse : le réemploi.

Sur ce point, il est prévu que le diagnostic PMD devra fournir :

  • la nature, la quantité et la localisation dans l’emprise de l’opération de démolition ou de réhabilitation significative des matériaux, produits de construction et équipements constitutifs des bâtiments ;
  • Une estimation de leur état de conversation ; 
  • L’estimation de la nature et de la quantité des produits, matériaux et équipements qui peuvent être réemployés ;
  • les indications sur les possibilités de réemploi sur le site de l’opération, sur un autre site ou par l’intermédiaire de filières de réemploi (comprendre ressourceries, plateformes en ligne de revente, etc.) ; 
  • des indications sur les précautions de dépose, de stockage et de transport de ces produits, équipements, matériaux et déchets ainsi que sur les conditions techniques et économiques pour parvenir à leur réemploi.

Enfin, le texte prévoit que c’est uniquement à défaut de réemploi, que le diagnostic indique les filières de gestion et de valorisation des déchets issus de la démolition ou de la réhabilitation envisageables. 

Au vu de ces exigences, ce nouveau diagnostic devrait avoir pour effet : 

  • de maximiser les taux de réemploi ; 
  • de réduire en tout ou partie l’intérêt du diagnostic ressources. 

III. Les compétences des acteurs réalisant le diagnostic PMD

C’est le point névralgique de cette réforme du diagnostic Déchets : la restriction de l’accès au marché des diagnostics PMD, pour garantir la compétence des professionnels susceptibles de le réaliser. 

Sur ce point on est rassuré : le texte est excessivement large

Le diagnostiqueur devra fourni la preuve, avant la réalisation du diagnostic, de ses compétences « dans le domaine des techniques du bâtiment, de l’économie de la construction et de la gestion des déchets du bâtiment ».

Le texte précise les modes de preuve acceptés, en distinguant personne physique et morale. 

a) Pour les personnes physiques souhaitant réaliser le diagnostic, le texte prévoit qu’elles doivent fournir une des preuves suivantes : 

  • La preuve par tous moyens d’une expérience professionnelle de trois ans de technicien ou agent de maîtrise du bâtiment ou d’économiste de la construction ou dans le domaine de la gestion des déchets, ou dans des fonctions d’un niveau professionnel équivalent dans le domaine des techniques du bâtiment, de l’économie de la construction ou de la gestion des déchets ; 
  • Un diplôme sanctionnant une formation du niveau de l’enseignement post-secondaire d’une durée minimale de deux ans à temps plein ou d’une durée équivalente à temps partiel dans le domaine des techniques du bâtiment, de l’économie de la construction ou dans la gestion des déchets, dispensés dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou dans un autre établissement de niveau équivalent, ou un titre professionnel équivalent ; 
  • La preuve par tous moyens des compétences exigées par un Etat de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour une activité de diagnostic similaire à celui faisant l’objet de la présente section, ces preuves ayant été obtenues dans un de ces Etats ; 
  • Toute preuve de la détention de connaissances équivalentes en lien avec les techniques du bâtiments, l’économie de la construction et la gestion des déchets.

La première approche est donc d’exiger soit une expérience professionnelle de trois ans, soit un diplôme sanctionnant au moins deux années d’études post-secondaires (concrètement un “Bac +2”, BTS, DEUG ou DUT). 

En toute logique, les ingénieurs et architectes disposant de diplômes de niveau BAC + 5 (qui sont nombreux à réaliser les diagnostics Déchets et Ressources à l’heure actuelle), bien que non visés expressément, bénéficient de « titres professionnels » suffisants pour réaliser ce nouveau diagnostic. 

Cette disposition laisse toutefois sceptique, en recherchant d’abord l’exhaustivité et la précision, pour ouvrir finalement sur la possibilité de démontrer ses compétences par « Toute preuve de la détention de connaissances équivalentes en lien avec les techniques du bâtiments, l’économie de la construction et la gestion des déchets ». 

Elle pourrait poser un sérieux problème au stade de l’analyse des offres, puisque l’appréciation des « connaissances équivalentes en lien avec les techniques du bâtiments, l’économie de la construction et la gestion des déchets » reviendra au pouvoir adjudicateur. 

Par ailleurs, les candidats évincés auront là un moyen tout trouvé pour contester l’attribution du marché : la preuve insuffisante de garantie de compétence. 

b) S’agissant des personnes morales susceptibles de réaliser les diagnostics, celles-ci devront fournir une des preuves suivantes

  • La présence dans ses effectifs d’au moins une personne physique satisfaisant au critère susvisé (capable de prouver « des connaissances en lien avec les techniques du bâtiments, l’économie de la construction et la gestion des déchets ») ; 
  • OU un chiffre d’affaires pour la réalisation des diagnostics PMD supérieur à 200 000 € hors taxes pour trois personnes affectées au périmètre d’activité considéré. 

S’agissant de cette seconde possibilité, on voit mal comment une structure qui aurait un CA excédant 200K pour la réalisation de diagnostics PMD n’aurait pas dans ses effectifs, et notamment parmi les « trois personnes affectées au périmètre d’activité considéré » au moins une personne physique à même de justifier de « connaissances en lien avec les techniques du bâtiment, l’économie de la construction et la gestion des déchets »… L’intérêt de ce second mode de preuve semble donc limité et redondant par rapport au premier. 

En résumé, s’agissant des compétences nécessaires pour réaliser le nouveau diagnostic : 

  • En l’état des projets de décrets, les modes de preuves des « garanties de compétence » sont suffisamment larges pour que la grande majorité (voire la totalité) des acteurs réalisant à ce jour des diagnostics Déchets ou Ressources puissent justifier des compétences nécessaires ; 
  • En revanche, la vérification de ces « garanties de compétence » risque de laisser plus d’un pouvoir adjudicateur perplexe au stade de l’analyse des offres. 

IV. L’obligation d’assurance

S’agissant de l’obligation d’assurance, la personne physique ou morale réalisant le diagnostic devra justifier de la souscription d’une assurance permettant de couvrir les préjudices résultant d’erreurs dans le diagnostic portant atteinte significativement à l’économie générale du projet

Plusieurs remarques sur ce point : 

a) La notion d’« atteinte significative à l’économie générale du projet » risque de donner lieu systématiquement à débat entre les assureurs. On retrouve notamment cette expression en matière d’urbanisme 3 où elle donne déjà lieu à une abondante jurisprudence… 

b) A première vue, les seules erreurs de diagnostic susceptibles de porter une « atteinte significative » au projet du point de vue financier sont essentiellement les erreurs portant sur le plomb et l’amiante (de nature à entraîner des retards importants, des modifications du plan de retrait, des surcoûts importants, etc.). 

Or, dès lors que le diagnostic PMD ne fait que reprendre les erreurs éventuellement commises par les diagnostiqueurs chargés des diagnostics plomb et amiante sur ce point, il ne s’agira pas d’erreurs personnelles du diagnostiqueur PMD, et il ne lui appartiendra donc pas (ni à son assureur) de prendre en charge les conséquences matérielles en résultant. 

c) Enfin, contrairement à la responsabilité décennale par exemple, le régime de la responsabilité des diagnostiqueurs n’est pas un régime de « responsabilité sans faute ». Leur responsabilité n’est engagée que lorsqu’ils commettent une faute, et toute erreur n’est pas automatiquement une « faute ».  

Sauf à ce que le législateur ou la jurisprudence fassent évoluer radicalement le droit sur ce point, une erreur de diagnostic n’est fautive (et donc n’engage la responsabilité du diagnostiqueur) que : 

  • Si le diagnostiqueur n’a pas réalisé sa mission conformément aux dispositions légales et réglementaires (en l’occurrence celles relatives au diagnostic PMD), aux stipulations contractuelles ou encore aux règles de l’art ;
  • Si l’erreur de diagnostic résulte d’un défaut de vigilance, ou d’inconsistance dans les recherches 4.

Il y a donc fort à parier que les assureurs auront des arguments pour contester l’existence d’une erreur fautive imputable au diagnostiqueur PMD, pour refuser de réparer les préjudices résultant de cette erreur.  

En conclusion, les acteurs devront surtout vérifier qu’au-delà de cette garantie spécifique prévue par cette nouvelle disposition, ils sont bien couverts plus largement pour toute erreur de diagnostic et toute faute commise dans le cadre de sa réalisation.

V. Les modalités de communication et de publication du diagnostic PMD

Je vous renvoie au projet d’article R. 111-50 s’agissant de l’obligation de transmission à l’Agence de la transition écologique du diagnostic dans une premier temps, puis du formulaire de récolement à l’issue du chantier. 

L’évolution à retenir est la possibilité, pour le Maître d’ouvrage, d’opter pour la publication des informations suivantes (projet d’article D. 111-51) : 

  • Les informations relatives à la nature et à la quantité des produits, équipements, matériaux et déchets estimées contenues dans le diagnostic ; 
  • Les indications sur les possibilités de réemploi, de réutilisation, de recyclage ou autre valorisation matière, de valorisation énergétique ou d’élimination de ces produits, équipements, matériaux et déchets ; 
  • Le nom ou la raison sociale, le numéro de SIRET ou SIREN le cas échéant et l’adresse du maître d’ouvrage ; 
  • La commune sur laquelle le chantier est réalisé ; 
  • Le mois de début de chantier prévu par le maître d’ouvrage.

Le texte ne précise pas à quel moment ces informations seraient publiées, mais de deux choses l’une :

  • Soit elles sont publiées avant le début du chantier (voir avant la passation des marchés de travaux). C’est l’hypothèse la plus logique puisque d’après les débats parlementaires cette nouvelle option de publicité devait permettre d’aider le maître d’ouvrage à trouver des débouchés pour les matériaux. Dans ce cas on soulignera uniquement que cette publicité pourrait inspirer de nombreux voleurs (qui auront toutes les informations leur permettant d’organiser le pillage du chantier). Cette publicité ne sera donc pas à privilégier si de nombreux matériaux de valeur sont inventoriés.
  • Soit la publication a lieu pendant ou après le chantier, et dans ce cas elle ne présente tout simplement aucun intérêt.

VI. Dernière information à retenir : la date d’entrée en vigueur

Le projet de décret prévoit que ce nouveau diagnostic sera obligatoire pour les démolitions et réhabilitations significatives de bâtiments pour lesquelles la date de dépôt de la demande de permis de démolir, la date de dépôt de l’autorisation d’urbanisme et la date de dépôt de l’autorisation de travaux ou, à défaut, la date d’acceptation des devis ou de passation des marchés relatifs aux travaux de démolition et de réhabilitation significative, est postérieure au 1er juillet 2021.

Pour les MOA qui souhaitent y avoir recours avant l’été prochain, rien ne fait néanmoins obstacle à sa réalisation avant cette date.



  1. Le Guide de bonnes pratiques pour la réalisation du diagnostic produits/matériaux/déchets avant démolition/réhabilitation significative de bâtiments.

  2. Dans la mesure où le diagnostic PMD doit en toute hypothèse être réalisé avant l’acceptation des devis ou à la passation des marchés relatifs aux travaux de démolition ou de réhabilitation significative (projet d’article R. 111-45 CCH), le coût prévisionnel définitif ne sera pas connu.

  3. Les modifications apportées à un projet de plan local d’urbanisme après enquête publique ne doivent être « de nature à porter atteinte à l’économie générale du projet de plan ». Cette règle donne lieu à un abondant contentieux.

  4. C. Cass, 3ème Civ. , 21 mai 2014, n°13-14.891.


À propos de l’auteur :

Elisabeth Gelot est avocate chez SKOV Avocats. Elle intervient en droit de l’environnement et plus particulièrement en matière d’économie circulaire.

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