Nous les avons attendus avec ferveur, et ils sont enfin là.
Les décrets relatifs au diagnostic portant sur la gestion des produits, matériaux et des déchets (PMD) issus de la démolition ou réhabilitation significative de bâtiments ont finalement été publiés le 27 juin 2021.
En résumé :
- Pas de grande surprise par rapport aux projets de décrets qui avaient été mis en consultation fin 2020 ;
- Toutefois on signalera une nouvelle définition des « rénovations significatives » soumises à l’obligation de réaliser un diagnostic PMD ;
- Une exigence de compétences renforcée ;
- Une obligation d’assurance simplifiée ;
- Et surtout un report de l’entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2022.
I – Une nouvelle définition pour les « rénovations significatives »
Pour mémoire, contrairement au diagnostic déchets, ce ne sont plus seulement les opérations de démolition qui sont concernées, mais également les réhabilitations significatives.
Le Ministère a écarté l’option présentée lors de la consultation du public (à la bonne heure, puisque nous l’avions critiquée).
Le décret finalement publié ne parle plus de réhabilitation mais de rénovation significative (la partie législative parle de réhabilitation, donc on comprend mal ce changement… Mais passons) et les définit comme suit (article R. 111-44. – I) :
« Est regardée comme une rénovation significative de bâtiment, (…) une opération consistant à détruire ou remplacer au moins deux des éléments de second œuvre mentionnés ci-après, à la condition que les travaux concernés conduisent à détruire ou remplacer une partie majoritaire de chacun de ces éléments :
a) Planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;
b) Cloisons extérieures ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;
c) Huisseries extérieures ;
d) Cloisons intérieures ;
e) Installations sanitaires et de plomberie ;
f) Installations électriques ;
g) Système de chauffage. »
A noter qu’un arrêté devra être pris d’ici le 1er janvier 2022 pour préciser comment doivent être déterminées ce que sont les « parties majoritaires » de la structure des bâtiments ou d’éléments de second œuvre précédemment cités (on a hâte de découvrir cette méthode, qui promet d’être encore un chef d’œuvre de simplicité).
II. Les compétences des acteurs réalisant le diagnostic PMD renforcée
Sur ce point les textes finalement adoptés renforce l’exigence de compétences, mais maintienne des modes de preuves très flexibles.
II.I. Quelles compétences sont nécessaires ?
Le diagnostiqueur devra fourni la preuve, avant la réalisation du diagnostic, de ses compétences « en matière de prévention et de gestion des déchets ainsi qu‘en matière de techniques du bâtiment ou d’économie de la construction ».
Or il y a là une petite nuance par rapport au projet de décret (attention, c’est assez subtil, mais cela pourrait avoir un réel impact) :
Dans les projets de texte, il fallait avoir des compétences :
- soit dans le domaine des techniques du bâtiment,
- soit en matière d’économie de la construction,
- soit dans la gestion des déchets.
Désormais, il faut démontrer ses compétences :
- en matière de prévention et de gestion des déchets
- ainsi que
- en matière de techniques du bâtiment
- ou d’économie de la construction.
Et le décret exige de fournir « Pour la reconnaissance de chacune de ses compétences, (…) une des preuves (..) de reconnaissance de ses compétences ».
Donc concrètement le diagnostiqueur devrait donc désormais :
- Option 1 : apporter la preuve de ses compétences en matière de prévention et de gestion des déchets + apporter la preuve de ses compétences en matière de techniques du bâtiment ;
- Option 2 : apporter la preuve de ses compétences en matière de prévention et de gestion des déchets + apporter la preuve de ses compétences en matière d’économie de la construction.
Voyons maintenant quelles sont les preuves à fournir pour voir reconnaître ces compétences.
II.II. Quelles preuves des compétences sont acceptées ?
Le texte précise les modes de preuve acceptés, en distinguant personne physique et morale.
a) Pour les personnes physiques souhaitant réaliser le diagnostic, le texte prévoit les preuves suivantes :
- La preuve par tous moyens d’une expérience professionnelle de trois ans de technicien ou agent de maîtrise du bâtiment ou d’économiste de la construction ou dans le domaine de la gestion des déchets, ou dans des fonctions d’un niveau professionnel équivalent ;
- Un diplôme sanctionnant une formation du niveau de l’enseignement post-secondaire d’une durée minimale de deux ans à temps plein ou d’une durée équivalente à temps partiel dispensés dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou dans un autre établissement de niveau équivalent, ou un titre professionnel équivalent ;
- Toute preuve de la détention de connaissances équivalentes (on peut clairement parler ici de clause « open bar ») ;
- La preuve par tous moyens des compétences exigées par un Etat de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour une activité de diagnostic similaire à celui faisant l’objet de la présente section, ces preuves ayant été obtenues dans un de ces Etats.
b) S’agissant des personnes morales susceptibles de réaliser les diagnostics, le décret a simplifié (et c’est heureux car là encore, c’était pour le moins abscons) :
Celles-ci devront prouver la présence dans leurs effectifs d’au moins une personne physique satisfaisant au critère susvisé (capable de prouver qu’elle est « compétente en matière de prévention et de gestion des déchets ainsi qu’en matière de techniques du bâtiment ou d’économie de la construction »).
III. L’obligation d’assurance simplifiée (et plus efficiente)
S’agissant de l’obligation d’assurance, là encore, le Ministère a renoncé à l’option proposée dans le projet de décret soumis à la consultation du public (et encore une fois, c’est une excellente nouvelle, nous avions abondamment démontré que la proposition du Ministère n’était pas satisfaisante).
Les diagnostiqueurs auront donc l’obligation de souscrire :
« Une assurance permettant de couvrir les conséquences pécuniaires d’un engagement de sa responsabilité en raison de ses missions et dont le montant de la garantie ne peut être inférieur à 300 000 euros par sinistre et 500 000 euros par année d’assurance. »
Cette nouvelle garantie, suffisamment large et importante, permettra de couvrir efficacement les diagnostiqueurs.
V. Communication et publication du diagnostic PMD – le CSTB prend la main
Les diagnostics et formulaires de récolements devront être transmis non plus à l’ADEME, mais au Centre scientifique et technique du bâtiment en remplacement (CSTB).
Un remplacement qui ne figurait pas dans les projets de décret.
Et ce n’est plus le maître d’ouvrage mais le CSTB qui aura la possibilité de publier les informations du diagnostic (mais pas d’inquiétude : uniquement après accord écrit du maître d’ouvrage – article D. 111-51).
VI. Le contenu du diagnostic PMD
Rappelons que c’est un futur arrêté qui décrira en détail le contenu du diagnostic PMD.
Néanmoins, le décret esquisse ce contenu, dans la droite ligne des objectifs définis par la loi AGEC : renforcer la hiérarchie des modes de traitement (et donc la priorité à accorder au réemploi) et la traçabilité.
Je vous renvoie à l’article R.111-46 pour la liste exhaustive des éléments qui doivent figurer dans le diagnostic, et me focaliserai ici sur le sujet qui nous intéresse : le réemploi.
Sur ce point, il est prévu que le diagnostic PMD devra fournir :
- Une estimation de l’état de conservation des produits, matériaux et équipements ;
- Des indications sur les possibilités de réemploi sur le site de l’opération, sur un autre site ou par l’intermédiaire de filières de réemploi, notamment les filières locales ;
- L’estimation de la nature et de la quantité des produits, matériaux et équipements qui peuvent être réemployés ;
- Des indications sur les précautions de dépose, de stockage sur chantier et de transport de ces produits, équipements, matériaux et déchets ainsi que sur les conditions techniques et économiques prévues pour permettre leur réemploi.
Enfin, le texte prévoit que c’est uniquement à défaut de réemploi, que le diagnostic indique les filières de gestion et de valorisation des déchets issus de la démolition ou de la réhabilitation envisageables (en respectant la hiérarchie des modes de traitement).
VII. Dernière information (déception) à retenir : la date d’entrée en vigueur
Le projet de décret prévoyait que ce nouveau diagnostic serait obligatoire dès le 1er juillet 2021.
Et c’est le seul point décevant : il faudra attendre l’année prochaine !
Le diagnostic ne sera obligatoire que pour les démolitions et les rénovations significatives de bâtiments pour lesquelles la date de dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de travaux ou, à défaut, la date d’acceptation des devis ou de passation des marchés relatifs aux travaux de démolition et de rénovation significative, est postérieure au 1er janvier 2022.
On ne le rappellera toutefois jamais assez : pour les MOA qui souhaitent y avoir recours avant la rentrée prochaine, rien ne fait néanmoins obstacle à sa réalisation avant cette date.
À propos de l’autrice :
Elisabeth Gelot est avocate chez SKOV Avocats. Elle intervient en droit de l’environnement et plus particulièrement en matière d’économie circulaire.