“Résilience – La Ferme des Possibles” à Stains – Visite de chantier par Hannah Höfte

Démarré en  2018, le projet de la Ferme des Possibles à Stains est remarquable par ses nombreux choix constructifs engagés et innovants. Le bâtiment accueillera en mars 2020 le siège social et les ateliers de Novaedia, coopérative à but d’insertion sociale qui prépare et livre des paniers de fruits à des entreprises. Conçu par l’agence d’architecture Frédéric Denise – Archipel Zéro, le projet illustre l’engagement de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’oeuvre pour l’éco-construction. Ainsi, il met en oeuvre le trio “BTP : Bois, Terre, Paille” ainsi que des matériaux de réemploi, sujet pour lequel Bellastock était assistant à la maîtrise d’ouvrage.

Le bâtiment prend la forme d’une longère, accueillant successivement une zone de livraison, un laboratoire de transformation où les corbeilles de fruits sont réalisées, les locaux du personnel, une grande cuisine et un restaurant ouvert au public. Le tout s’articule autour de deux circulations intérieures, est et ouest, permettant d’éviter le croisement des marchandises entrantes et sortantes.

La ferme des possibles : Axonométrie © Archipel Zéro

Le premier élément remarquable du projet architectural est sa longue façade ouest vitrée, entièrement constituée de menuiseries de réemploi. Celles-ci proviennent de la rénovation thermique d’une barre HLM à Epinay-sur-Seine, à 4 km de là. Le gisement a été inventoriée par Bellastock dans le cadre du projet “Métabolisme urbain” réalisé pour le compte de l’Établissement Public Territorial Plaine Commune. Les châssis ont été déposés, transportés et retravaillés dans les ateliers de l’entreprise de menuiseries Depuis1920. Les feuillures ou parties arrondies ont été redécoupées, afin de faire rentrer chaque menuiserie dans la trame en bois Douglas construite elle par l’entreprise de charpente. Ici, ces châssis simple-vitrage des années 60 sont mis à profit suivant un principe bioclimatique d’espace tampon entre l’extérieur et les espaces intérieurs isolés et chauffés. Ces derniers sont constitués de murs préfabriqués en caisson de bois remplis de paille pré-enduits à la terre crue.

On retrouve du réemploi sur la façade Sud, côté restaurant, qui met en oeuvre des BTC (Briques de terre comprimée) initialement fabriquées pour le festival Bellastock en 2017. A nouveau, celles-ci sont mises en oeuvre dans une logique bioclimatique suivant le principe du mur trombe : une paroi vitrée placée à l’extérieur, à 10 cm des briques, permet de capter les apports de chaleur solaire qui seront emmagasinés grâce à la forte inertie des BTC pour être redistribuée dans l’espace du restaurant. Le tout sera ventilé par des prises d’air en partie basse et haute de la paroi.

L’étage du bâtiment accueillera, sous sa vaste charpente en lamellé-collé, les différents espaces de bureaux : ceux de la coopérative Novaedia mais aussi ceux de l’agence Frédéric Denise. Les enduits intérieurs seront réalisés avec la terre du site. 

Enfin, de nombreux équipements sont également issus du réemploi. L’association Réavie a préparé et livré des éléments tels que des WC, des luminaires, des poignées de portes, des mitigeurs, tous issus de chantier de déconstruction sélective sur lesquels elle est intervenue auparavant en Ile de France.

Ainsi, le projet Résilience démontre une démarche exemplaire à bien des niveaux. Il met en oeuvre des principes de conception bioclimatique associé à des ressources locales à l’impact carbone faible : matériaux de réemploi, bio-sourcés ou géo-sourcés. La mise en oeuvre de ces solutions innovantes, a été permise par une ambition forte, commune à la maîtrise d’ouvrage et à la maîtrise d’oeuvre et par une collaboration entre différents acteurs motivés (Frédéric Denise-Archipel Zéro, Bellastock, Depuis1920, Réavie, les artisans du chantier ainsi que le Bureau de contrôle), inscrivant le projet comme un modèle d’éco-construction.

A propos de l’auteure : 

Hannah Höfte a obtenu son diplôme d’état en architecture à l’ENSA Paris Malaquais en juin 2019 en présentant un PFE autour du réemploi de matériaux, faisant suite au chantier de déconstruction sélective de sa maison d’enfance. Elle reste captivée par la question du réemploi en architecture, pour laquelle elle essaye d’apporter sa pierre à l’édifice.