Le Havre, le 12 mars 2020
Partie 2 : « Le Hangar Zéro, un projet zéro déchet, zéro carbone »
Jeudi 12 mars se tenait au Hangar Zéro au Havre une rencontre dédiée au réemploi des matériaux en architecture. Cette rencontre avait lieu dans le cadre de Chantiers Communs, le mois de l’architecture en Normandie organisé par Territoires Pionniers. L’après-midi a été riche de discussion autour de deux tables rondes : l’une posant la question « Objectif zéro déchet dans le bâtiment ? », l’autre dédiée au Hangar Zéro, réunissant les différents acteurs de ce projet atypique, qui a été suivie d’une visite du chantier par son architecte Frédéric Denise.
Hannah Höfte nous propose ici un résumé de l’événement en deux parties. En voici la deuxième partie consacrée au projet du Hangar Zéro, synthétisant la table ronde et la visite.
La première table ronde, dédiée au projet du Hangar Zéro, actuellement en travaux, a réuni ses différents acteurs : Frédéric Denise, architecte du projet (agence Archipel Zéro), Brice Canaud, ingénieur et co-porteur du Hangar Zéro et de la plateforme de réemploi Permac, Thomas Péron, contrôleur technique chez Socotec Construction, Christophe Lucas, chef du service prévention et valorisation des déchets de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole.
Éléments de contexte
Le projet du Hangar Zéro est né à la suite de l’événement “Alternatiba” en 2012 au Havre, pour lequel s’est rassemblé un important réseau d’artisans et d’acteurs engagés du territoire.
Cherchant un lieu pour pérenniser son action, ce réseau a participé au concours Réinventer la Seine en 2016 dont il a été lauréat en proposant la réhabilitation du “Hangar O”. Ce vestige de l’activité portuaire de la ville situé dans un quartier d’anciens docks en plein renouvellement, accueillera les activités de ce réseau d’acteurs réunis au sein de l’ association LH-0, formant “Le laboratoire havrais de la transition écologique et sociale”. Le Hangar O qui l’accueille est rebaptisé le Hangar Zéro : “Zéro déchet, zéro carbone, zéro exclus”.
Le volume monumental du Hangar aujourd’hui vide accueillera progressivement à partir de la fin d’année 2020 des ateliers partagés, un restaurant, des bureaux, une serre de maraîchage, un brasseur de bière, un boulanger, un atelier de réparation d’instruments de musique, un jardin pédagogique…
Un projet pilote
La figure de “laboratoire de la transition écologique et sociale” est importante à relever. Comme l’a illustré la discussion entre les différents acteurs de l’opération, ce projet est un prototype à plusieurs titres. En effet, le Hangar Zéro met en oeuvre de nombreuses techniques “non courantes”, dans le but de constituer un projet pilote qui pourra servir d’exemple inspirant et rassurant pour les acteurs de la construction. Ceux-ci pourront à leur tour s’engager vers des choix innovants expérimentés dans le Hangar Zéro, comme l’emploi de matériaux biosourcés, de réemploi ou encore un processus de conception et de construction participatif.
Une architecture simple et collaborative
Comme l’explique Frédéric Denise, de l’Agence Archipel Zéro, architecte du projet, le parti architectural général est simple : un bâtiment traversant, très ouvert sur le quartier, mettant en valeur l’architecture d’origine, notamment son beau pignon flamand à redents et la brique en façade, dont les modénatures ont guidés les percements. Dans ce large volume réhabilité, les plans d’aménagement des espaces sont élaborés collectivement avec les futurs résidents. Ceux ci seront matérialisés par l’empilement de containers récupérés. Le choix de ces éléments préfabriqués à la structure autoportante, permet une réduction considérable des coûts puisqu’elle ne nécessite pas la réalisation de fondations complémentaires. En effet, l’enveloppe budgétaire de ce projet associatif est très contrainte : 1 million d’euros de travaux pour 2500 m² de surface de plancher. C’est notamment pour cela qu’une grande partie des travaux de second œuvre seront réalisés en chantier participatif.
Le réemploi dans le projet
Le réemploi de matériaux est très présent dans le projet, bien qu’il ne concerne que des éléments de second œuvre. Les éléments de clos couvert ont été réalisés avec des matériaux neuf et mis en oeuvre par des entreprises, de façon à ne pas créer de problématique spécifique en termes d’assurance.
L’élément fort du projet issu du réemploi est l’ensemble des containers organisant les futurs espaces intérieurs. Ce choix, qui s’inscrit bien dans le contexte portuaire du Havre, constitue un atout économique mais génère des contraintes d’isolation thermique et phonique. L’architecte transforme cette contrainte en une opportunité d’expérimentation.C’est l’occasion de mettre en oeuvre différents types d’isolants, bio-sourcés courants tels que la paille ou le liège, ou plus innovants tels que le carton-terre ou des dalles de faux-plafond de réemploi…
Certains autres éléments issus du réemploi ont déjà été récupérés tels que 80 luminaires du stade voisin, qui seront réemployés en luminaire ou en éléments de mobilier, 1000m² de linoléum, 30m3 de bouchons de liège déchiquetés… D’autres éléments viendront certainement s’ajouter à cette liste au fur et à mesure de la réalisation du projet.
Dans cette opération, le réemploi est facilité car l’ampleur du bâtiment existant permet un stockage in-situ. On le constate en entrant, rien n’est encore réellement aménagé mais de nombreux éléments ont été livrés et stockés sur site, à l’intérieur ou à l’extérieur. On peut cependant imaginer que cela pose de fortes contraintes logistiques sur le chantier…
Le contrôleur technique, un partenaire engagé et créatif
L’une des particularités de l’opération, est le dialogue qu’entretiennent le contrôleur technique Thomas Perron du groupe Socotec et l’équipe de maîtrise d’oeuvre. Ces échanges permettent de donner du crédit au caractère expérimental du projet. L’intervention du contrôleur technique n’était pas obligatoire, puisqu’il s’agit d’un bâtiment de 5e catégorie, mais l’équipe a choisi d’y faire appel afin de donner un cadre à l’expérimentation, notamment pour que les solutions mise en oeuvre soient plus facilement réplicables. Ainsi, dans ce projet, le contrôleur technique constitue un réel partenaire, engagé et créatif. Thomas Perron témoigne ainsi :
« Si on me demande “Cette solution innovante est-elle conforme ?” je ne sais pas forcément répondre, par contre je peux raisonner sur “Est-ce faisable ? Est-ce risqué ?” ».
Conclusion
Le projet du Hangar Zéro est à l’image de ses initiateurs : innovant, engagé, expérimental.
Rappelons que ce projet est unique par son montage, puisque le maître d’oeuvre fait partie à la fois de la maîtrise d’ouvrage et des futurs utilisateurs, ce qui lui offre une très grande liberté de choix, bien que celle-ci soit encadrée par un bureau de contrôle. La mise en oeuvre de matériaux de réemploi est certainement facilité par le contexte du projet : un cadre associatif et participatif, ainsi qu’un site permettant de stocker des matériaux in-situ.
Ces nombreuses spécificités en font un bâtiment unique, difficilement comparable aux autres. “Ce qu’on fait là, on ne pourrait pas le faire ailleurs” nous dit Frédéric Denise.
Fort de ces avantages, l’équipe de maîtrise d’oeuvre met tout en oeuvre pour expérimenter un maximum, afin de proposer un réel “catalogue d’éco-construction” qui pourra inspirer de futures réalisations, dans un contexte peut-être plus ordinaire. A suivre de près !
À propos de l’auteure :
Hannah Höfte a obtenu son diplôme d’état en architecture à l’ENSA Paris Malaquais en juin 2019 en présentant un PFE autour du réemploi de matériaux, faisant suite au chantier de déconstruction sélective “déconstruisons” qu’elle a organisé sur sa maison d’enfance en octobre 2018.